Les couveuses : Un luxe pour les hôpitaux camerounais !

0
2

Alors que le ministre de la Santé vantait un plateau technique comparable à celui des plus grands établissements étrangers, la réalité est tout autre. Le drame de l’hôpital de district de Logbaba met en évidence l’urgence d’agir pour garantir à tous les enfants, quel que soit leur état de santé à la naissance, les mêmes chances de survie.

Le 21 janvier 2025, Israëla fêtait ses 4 ans. Un anniversaire synonyme de joie pour ses parents qui, il y a quatre ans, avaient frôlé le drame. Née prématurée, la petite fille a vu sa vie dépendre d’un fil : celui d’une couveuse. Grâce à l’entregent de son père médecin, elle a pu bénéficier de cet équipement indispensable à l’hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé. Mais, comme le savent de nombreux parents, trouver une couveuse fonctionnelle dans les établissements de santé camerounais relève souvent du parcours du combattant.

La jeune maman, âgée de 25 ans, n’a pas eu cette chance. Ses triplés, nés prématurément à l’hôpital de district de Logbaba, sont décédés l’un après l’autre, faute d’un équipement adéquat. Le directeur de l’hôpital de district de Logbaba, NGNEGUE Gaël PLONG, a exprimé ses regrets pour la perte des triplés de Mme Kameni, qui a eu lieu dans son établissement. « Lorsqu’elle a été admise à l’hôpital dans la nuit de mardi à mercredi, autour de 2 h 50 du matin, elle présentait un avortement inévitable sur une grossesse de 25 semaines. » Les trois bébés pesaient respectivement 500 grammes, 600 grammes et 500 grammes. Malheureusement, après avoir préparé les bébés pour leur transfert à l’hôpital de Laquintinie, l’un d’eux est décédé et les deux autres sont revenus à l’hôpital, où ils ont été pris en charge avant de décéder à leur tour. « Il s’agit de trois jeunes Camerounais qui auraient pu avoir une vie valeureuse pour la nation », a conclu le directeur  au micro de la CRTV-télé. Son histoire est malheureusement loin d’être isolée.

A lire aussi: Centre Médical d’Arrondissement de Djamboutou : Un nouveau souffle pour la santé à Garoua

Les décès de nouveau-nés prématurés dus au manque de couveuses se multiplient dans les hôpitaux publics du pays. Christelle Ntsama, une jeune Camerounaise de 21 ans, a perdu ses quadruplés à l’hôpital central de Yaoundé. Une chose aura manqué pour espérer les maintenir en vie : des couveuses. « J’ai beaucoup souffert pour mon accouchement. « Je voulais qu’un enfant au moins reste en vie», sanglote la jeune femme éplorée devant les micros, peut-on lire dans le journal en ligne Allo-docteurs-Africa. Quatre ans plus tôt, la nommée Honorine Nshi, une autre habitante de Yaoundé, perdait, toujours à l’hôpital central, ses quintuplés. Les couveuses manquaient déjà… Il y a près d’un an, à Bafoussam (région de l’Ouest), quatre des quintuplés prématurés venus au monde sont morts en l’espace d’un mois », écrit Allo-docteurs-Africa.

Leur père pointera, entre autres causes de la mort de ses bébés, le mauvais fonctionnement des couveuses de l’hôpital régional. Hôpital régional de Nkongsamba : un bébé meurt calciné dans une couveuse, en mai 2023. Le drame aurait été causé par un court-circuit électrique dû aux pannes d’électricité. La plupart des couveuses néonatales importées ne sont pas souvent adaptées au contexte énergétique de l’Afrique. En majorité, elles fonctionnent à l’électricité. De ce fait, une coupure de courant ou encore une baisse de tension peut être fatale pour les bébés prématurés.

Le Cameroun dispose de moins de 200 couveuses pour plus de 90 000 naissances annuelles. Des chiffres avancés par l’UNICEF. On peut dire que l’invention de la couveuse vient à son heure », explique le Dr Serge Njidjou, enseignant-chercheur à l’université de Dschang et inventeur de la couveuse made in Cameroun, dans le journal en ligne BBC-Afrique, le 2 décembre 2022. Au Cameroun, la prématurité représente un enjeu majeur de santé publique, avec environ 28 % des décès de nouveau-nés dus à des complications liées à la prématurité, source UNICEF-Cameroun.

Pour le journal en ligne Allo-docteurs-Africa, pour aider à protéger le prématuré contre de futures atteintes neurologiques, des difficultés respiratoires et des infections, il faut débourser entre 600.000 et 1.000.000 de francs CFA. Des sommes rédhibitoires pour la majorité des Camerounais. Ces drames contredisent frontalement les déclarations du ministre de la Santé qui, lors de ses sorties, vante un plateau technique des hôpitaux camerounais comparable à celui des plus grands établissements étrangers. « Le plateau technique que le Cameroun a aujourd’hui sur l’ensemble des dix régions. Je dis bien dix régions, c’est le même plateau technique que vous pouvez avoir à l’hôpital américain de Paris. « C’est le même plateau technique que vous aurez au Canada, que vous aurez aux États-Unis», avait-il déclaré.

Le cas d’Israëla et de nombreux autres nouveau-nés met en évidence l’urgence d’agir pour garantir à tous les enfants, quel que soit leur état de santé à la naissance, les mêmes chances de survie. La couverture santé universelle, souvent mise en avant par les autorités, ne peut être effective si les établissements de santé ne disposent pas des équipements nécessaires.

Derrière les statistiques et les discours politiques se cachent des vies humaines. La survie des nouveau-nés prématurés ne doit plus être laissée au hasard. Il est urgent d’investir massivement dans l’équipement des hôpitaux, de former le personnel médical et de mettre en place des politiques publiques ambitieuses pour garantir à tous les enfants un accès équitable aux soins.

Elvis Serge NSAA

 

Leave a reply