Innovation à l’Hôpital Général de Yaoundé : La cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique réalisée
Une avancée majeure vient d’être réalisée dans le domaine de la gastro-entérologie au Cameroun.
Pour la toute première fois, l’Hôpital Général de Yaoundé a mené avec succès une cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE), une procédure médicale complexe permettant de diagnostiquer et de traiter les maladies des voies biliaires et du pancréas.
Cependant, des défis restent à relever, notamment en termes d’équipement et de formation continue du personnel.
Cette intervention de haute précision, première du genre ici, marque un tournant pour la gastro-entérologie au Cameroun. Grâce à des équipements de pointe et au savoir-faire d’une équipe médicale expérimentée, l’hôpital général de Yaoundé offre désormais à ses patients des soins de niveau international, jusque-là réservés à quelques centres spécialisés à l’étranger. Ceci est également rendu possible grâce à un partenariat entre l’hôpital camerounais et le Centre Hospitalier de Saint-Quentin en France.
Une intervention moins invasive pour une meilleure prise en charge
La cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique « CPRE », réalisée par voie endoscopique, est une technique moins invasive que la chirurgie traditionnelle. Elle permet d’éviter les longues incisions et de réduire ainsi les risques de complications post-opératoires. Comme l’explique le Dr Dadamessi Innocenti, hépato-gastro-entérologue et spécialiste en oncologie digestive à l’Hôpital de Saint-Quentin en France : « Cette procédure a permis de retirer les calculs qui obstruaient les voies biliaires de notre patient, lui offrant ainsi un soulagement rapide et efficace. »
Un tournant pour la gastro-entérologie au Cameroun
Cette réussite marque un tournant pour la gastro-entérologie au Cameroun. Le Dr Paul Talla, chef de service hépato-gastro-entérologie à l’Hôpital Général de Yaoundé, a souligné l’importance de ce type d’intervention : « Ces actes d’endoscopie thérapeutique permettent de traiter les maladies du tube digestif par voie naturelle, évitant ainsi des interventions chirurgicales lourdes. C’est une avancée majeure pour nos patients. »
Cependant, le Dr Talla a également mis en évidence les défis auxquels la gastro-entérologie camerounaise est confrontée : « Le plateau technique reste un défi majeur. Il nous manque encore du matériel pour explorer et traiter l’ensemble des pathologies digestives. Malgré les progrès réalisés, beaucoup de patients doivent encore être évacués à l’étranger pour bénéficier de certaines procédures. »
Un appel à l’investissement
Les experts camerounais appellent ainsi à un investissement accru dans le secteur de la santé, afin de doter les hôpitaux du matériel nécessaire pour prendre en charge les patients de manière optimale. Comme l’a souligné le Pr Djientcheu Vincent de Paul, directeur général de l’Hôpital Général de Yaoundé, « Nous devons croire en ce qui se fait dans notre pays et investir dans nos experts de la santé. »
Cette première CPRE réalisée à Yaoundé est une étape importante dans le développement de la gastro-entérologie au Cameroun. Elle ouvre la voie à de nouvelles perspectives pour les patients et témoigne de la volonté des professionnels de santé camerounais à offrir des soins de qualité.
Mireille Siapje
INTERVIEW :
« La CPRE offre une alternative moins invasive pour les calculs situés dans le cholédoque. »
Nous avons réalisé ce matin, en salle d’endoscopie, notre troisième procédure et, surtout, une première pour l’Hôpital Général de Yaoundé : une cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE). Un jeune patient, présentant une jaunisse et des douleurs abdominales, a bénéficié de cette intervention. Les examens ont révélé la présence de plusieurs calculs obstruant ses voies biliaires, empêchant ainsi la bile de s’écouler correctement. La CPRE, une technique endoscopique minimalement invasive, nous a permis d’accéder aux voies biliaires par voie naturelle, sans incision chirurgicale. Grâce à un fil guide, nous avons pu visualiser les calculs, les fragmenter et les retirer. Cette procédure s’est déroulée avec succès.
Le patient se porte bien et pourra reprendre une alimentation normale d’ici quelques heures. Les calculs biliaires sont une pathologie fréquente, souvent traitée par chirurgie. Cependant, la CPRE offre une alternative moins invasive pour les calculs situés dans le cholédoque.
Bien entendu, nous collaborons étroitement avec nos collègues chirurgiens. Si le patient présente d’autres calculs, notamment dans la vésicule biliaire, si on veut le mettre à l’abri pour le restant de sa vie il vaudrait mieux qu’il soit confié secondairement à un chirurgien pour enlever le stock de calculs dans la vésicule biliaire mais sans urgence dans un second temps.
Propos recueillis par Mireille Siapje
« Grâce à cette collaboration, nous sommes en mesure de proposer à nos patients des traitements de pointe, et de réduire ainsi le nombre d’évacuations sanitaires vers l’étranger. »
Pouvez-vous nous présenter les objectifs de cette intervention thérapeutique ?
Cette opération thérapeutique est une mission particulière organisée par la Société camerounaise de gastro-entérologie qui organise ses 26èmes journées scientifiques les 17 et 18 octobre 2024 à Yaoundé. En prélude à cet événement, nous avons organisé un workshop, une démonstration des actes d’endoscopie thérapeutiques ici à l’hôpital général de Yaoundé. Au cours de cette journée du 16 octobre 2024 nous avons enregistré douze malades qui doivent bénéficier des interventions endoscopiques thérapeutiques. On passe par voie naturelle pour aller traiter des maladies dans le tube digestif.
Quels sont les critères de sélections des malades qui bénéficient de cette opération et quel est leur profil ?
Il faut dire que ce sont tous des malades qui souffrent des maladies de l’appareil digestif que nous suivons habituellement au quotidien et qui ont besoin des actes d’endoscopie thérapeutique et tous les patients qui pouvaient bénéficier de ces actes étaient libres de venir mais comme on avait un nombre de place limité on a choisi juste deux malades par pathologie, aussi parce que la journée ne pouvait pas être plus longue.
Quels sont les résultats attendus au terme de ces interventions thérapeutiques ?
Au terme de cette journée on espère que les douze malades auront bénéficié de ces prestations médicales techniques d’endoscopie thérapeutique et qu’ils seront tous soulagés et guéris. Vous savez qu’il y a certaines interventions qui ne se font pas habituellement ici ; vous avez vu tout à l’heure on a fait une CPRE, c’est-à-dire une Cholangio-pancréatographie pour enlever un calcul qui était bloqué dans les voie biliaires et qui rendait le malade complètement jaune … là maintenant il est guéri de ce calcul là et il n’en souffrira plus. L’on espère que tous les autres malades seront guéris de la même manière que ce malade qui vient de sortir du bloc.
Comment assurez-vous la pérennité de cette nouvelle compétence acquise en endoscopie digestive au sein de l’hôpital ?
Le Dr Dadamessi Innocenti, que nous connaissons bien pour son expertise à l’hôpital de Saint-Quentin, participe à nos journées scientifiques. Son implication témoigne de l’importance qu’il accorde à la collaboration entre nos établissements. Nous espérons pouvoir le recevoir à nouveau lors de futures missions, organisées en marge des journées scientifiques si l’occasion se présente. Et même, dans le cadre d’autres missions médicales
Quel est l’état des lieux de la gastroentérologie au Cameroun ? Quels sont les défis ?
Les problèmes rencontrés par la spécialité de gastro-entérologie au Cameroun évoluent avec le temps. Il y a quelques années, nous manquions cruellement de gastro-entérologues. Aujourd’hui, la situation s’est améliorée et nous disposons d’un nombre suffisant de spécialistes. Néanmoins, un nouveau défi se pose : l’insuffisance du plateau technique. Les populations ont un réel besoin de ces soins, mais nous sommes limités dans nos interventions par le manque d’équipements adaptés. Il est donc urgent d’investir dans le plateau technique afin de pouvoir mettre en œuvre les techniques modernes que nous maîtrisons. De nombreux patients sont encore contraints de se rendre à l’étranger pour bénéficier de ces soins, ce qui représente un coût financier et humain important. En améliorant notre plateau technique, nous pourrons offrir à nos patients des soins de qualité sur place et réduire ainsi le recours au tourisme médical.
Parlant de plateau technique, que vous manque-t-il par exemple ?
Vous savez que l’appareil digestif est assez long, de la bouche jusqu’au canal anal, il mesure environ 9 mètres. Il est composé de différents organes, chacun nécessitant un équipement spécifique pour son exploration ou son traitement. Ce matin, par exemple, nous avions besoin d’un duodénoscope pour cathétériser les voies biliaires et prendre en charge les maladies du foie. Ainsi, pour soigner les maladies du tube digestif dans leur ensemble, une variété d’appareils médicaux est indispensable.
Propos recueillis par Mireille Siapje
« Je pense personnellement que, nous devons définir une politique stratégique dans la prise en charge des cancers, une politique tactique. »
L’endoscopie interventionnelle, c’est une grande première dans votre établissement. Quelles sont les opportunités qu’offre cette avancée à l’Hôpital Général de Yaoundé notamment en ce qui concerne le traitement des cancers digestifs au Cameroun ?
Nous sommes ravis de voir cette formation démarrer à l’Hôpital Général de Yaoundé. L’endoscopie digestive est une technique révolutionnaire qui permet de réaliser des interventions chirurgicales sans incision cutanée. En utilisant les orifices naturels comme la bouche ou l’œsophage, nous pouvons effectuer une multitude de gestes médicaux : enlever des polypes, retirer des tumeurs, dilater des voies sténosées, et même poser des prothèses. Cette avancée représente un véritable progrès pour notre hôpital et témoigne de notre engagement en faveur du transfert de technologies. Je tiens à remercier chaleureusement notre partenaire, le Centre Hospitalier de Saint-Quentin en France, ainsi que notre compatriote exerçant là-bas, pour leur soutien indéfectible.
Sur le plan pédagogique, cette formation a été conçue pour être accessible au plus grand nombre. Grâce à la retransmission en direct des interventions dans une salle plus grande, de nombreux étudiants et apprenants ont pu bénéficier de cet enseignement. Par ailleurs, les vidéos enregistrées seront utilisées lors du congrès de la Société camerounaise de gastroentérologie, offrant ainsi la possibilité d’interagir en direct avec les participants.
Quelles ont été les principales étapes pour doter l’hôpital du matériel nécessaire à la réalisation de ces interventions d’endoscopie interventionnelle, et combien de temps a duré ce processus ?
Pour faire des opérations aussi pointues que celles-là, il faut des prérequis. C’est depuis deux ans que l’hôpital progressivement se dote du matériel moderne comme des endoscopes assez performants. Nous avons également bénéficié de l’appui de nos collègues français qui sont venus avec quelques matériels qui ne repartiront pas tous, l’hôpital général de Yaoundé en gardera une partie pour que l’activité continue, qu’elle soit permanente.
Comment envisagez-vous d’articuler des stratégies dans la lutte contre le cancer au Cameroun, en tenant compte des spécificités locales et des ressources disponibles ?
Je pense personnellement que, nous devons définir une politique stratégique dans la prise en charge des cancers, une politique tactique. Quand on parle de politique tactique ça vise à guérir le cancer. Quand je fouille les registres du cancer dans notre service d’oncologie je vois des cancers tels que le cancer du col qui est très fréquent ici chez nous alors qu’en Europe il a été éliminé par la prévention ; je vois des cancers tels que le cancer du foie, l’hépatite B et l’hépatite C alors qu’un traitement existe. Je vois des cancers du tube digestif … Quand vous avez un cancer du côlon ou de l’intestin aujourd’hui c’est-à-dire qu’on pouvait le savoir même dix avant que vous n’ayez ce cancer et à ce moment, enlever la lésion qui va devenir le cancer, c’est-à-dire enlever les polypes. Aujourd’hui chez le premier patient on a enlevé trois polypes, des lésions qui sont cancérigènes du coup on sait que d’ici quelques années le patient va développer un cancer à partir de ces lésions. Nous pensons à cet effet que, il faut dépister les personnes qui ont des polypes, des lésions très cancéreuses et les traiter. C’est l’intérêt de cette technologie que nous développons et ça permet de faire un bon dépistage du cancer. Faire un bon diagnostic permet aussi de participer au traitement.
Quelles mesures avez-vous mises en place pour assurer la pérennité du transfert de technologies et maintenir un haut niveau de compétences au sein de votre équipe ?
L’hôpital général est un hôpital ou les pôles sont spécialisés du coup, tout le monde ne peut pas faire tout, mais dans un pôle spécialisé dans les pathologies digestives comme celle-ci, c’est depuis deux ans que le personnel s’entraine et nous pensons qu’après ce premier succès la formation continue va permettre de garder la main de manière à pouvoir faire un transfert de technologie rapide et permanent. Bien entendu, nous allons garder le contact avec les hôpitaux partenaires comme l’hôpital Saint-Quentin. Ça nous permet de nous rassurer que le standard est au point, de discuter des cas ensemble et éventuellement voir les difficultés et trouver des solutions collégiales.
Quel est l’apport direct de l’hôpital général dans le cadre de ces journées spéciales ?
Pour ces journées spéciales, l’hôpital général de Yaoundé a apporté une contribution financière : assurer le déplacement de ces experts étrangers, de certains matériels. Nous avons acquis du matériel à l’avance à l’instar des endoscopes assez performants qui sont là, ils sont de dernière génération. L’hôpital a injecté beaucoup de moyens parce que nous savons que nous devons répondre aux attentes des populations. N’oublions pas la mission principale de l’hôpital général de Yaoundé en tant qu’hôpital de référence, tous les cas dans le pays ou dans la sous-région sont évacués ici et l’objectif de l’hôpital général c’est de limiter les évacuations vers l’étranger et servir de pôle de référence pour les autres cas qui ne peuvent pas être gérés ailleurs.
Quelles sont les prochaines étapes pour développer cette nouvelle activité et en faire bénéficier un plus grand nombre de patients ?
Après cette journée les interventions vont se poursuivre car l’objectif c’est et d’avoir une activité permanente et je pense qu’avec nos experts qui sont là nous allons maintenir une activité minimale avec eux mais nous allons développer une stratégie de sorte que les activités deviennent permanente
Quel message adressez-vous aux populations ?
Je dis simplement aux patients qu’ils doivent croire en ce qui se fait dans leur pays, croire en l’hôpital général, croire en leurs experts de la santé.
Je profite de cette occasion pour remercier le gouvernement camerounais, remercier monsieur le ministre de la santé publique qui ne ménage aucun effort pour nous encourager dans cette quête permanente de la perfection bien que la perfection ne soit pas de ce monde, nous allons nous améliorer au fur et à mesure et permanemment.
Propos recueillis par Mireille Siapje
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